Devenir résilient - l'exemple de Simone Veil
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Devenir résilient - l'exemple de Simone Veil


Simone Veil, enfant & adulte

Le 30 juin 2017, Simone Veil, née Jacob le 13 juillet 1927, vient de nous quitter à l’aube de ses 90 ans. Cette grande dame indépendante & libre, au parcours pas du tout ordinaire restera à jamais dans la mémoire collective : amélioration des conditions de détention des femmes, légalisation de l’avortement, promotion de la réconciliation franco-allemande & de la construction européenne, mobilisation contre le négationnisme, loi de lutte contre le tabagisme, engagement en faveur des minorités… Loin d’être un long fleuve tranquille, sa vie a été ponctuée de combats pour la Liberté & les Droits de l'Homme.

A mes yeux, elle est l’exemple parfait de la résilience, & j’ai pensé bien des fois à son parcours lorsque j’ai eu des obstacles à surmonter. Je vous laisse vous faire votre propre avis au fil de ce post, & j’espère que vous trouverez dans ces lignes quelques briques utiles à la construction de votre bonheur.


Avant tout, quelques mots sur la résilience

La résilience, c’est la capacité à surmonter les traumatismes, à en sortir grandi & toujours confiant dans la vie, au lieu de nier les événements, de s'enfoncer dans la tristesse & la dépression.

La résilience n’efface pas les blessures laissées par le deuil, l’abandon, la violence, la maladie ou encore la guerre, mais elle permet d’accepter ce qui arrive, de se servir du coup du sort pour en tirer du positif & reprendre le cours de sa vie. Ce n’est donc pas l’invulnérabilité, mais un message d’optimisme et de liberté : on peut agir sur le milieu qui agit sur soi.


Comment ça marche la résilience ?

Le mécanisme s’opère via plusieurs phases successives :

- Le refus de se sentir destiné au malheur

- Le défi de devenir plus fort

- L'envie de se montrer fort & endurant

- L’humour pour ne pas se morfondre & ne pas être victimisé - Une pratique qui permet de canaliser les émotions, favorise l’apaisement & la différenciation (art, spiritualité, sport extrême...) pour pouvoir passer à autre chose plus facilement


Certains sont plus aidés que d'autres...

Certains êtres naissent avantagés car leur cerveau produit plus de substances euphorisantes (dopamine, sérotonine). Mais ce n’est pas tout : le caractère, le climat familial & le réseau extérieur favorisent également ou non l’aptitude à la résilience. Ainsi, une personne dont le caractère est fort, souple & confiant, qui évolue dans une famille sécurisante & épanouissante dans sa prime enfance, & qui a su tisser des relations extérieures bienfaisantes au fil des années, sera mieux armée pour développer des mécanismes d’autodéfense face à l’adversité.


... Mais tout le monde peut cultiver la résilience !

Dans la vie, nous rencontrons tous un jour ou l’autre des périodes traumatiques, & pour les surpasser, nous sommes tous plus ou moins contraints d’adopter une attitude résiliente, si elle n’est pas déjà ancrée en nous.

Même les moins armés d'entre nous peuvent développer cette capacité à la résilience. Chaque histoire personnelle, loin d’être figée dans le temps, évolue avec les années & il est possible, à force d'efforts & d'implication, de rebâtir la confiance en soi, en la vie, en son entourage au fur et à mesure que l’on grandit. Je vous ai préparé un guide pratique pour vous aider à devenir résilient.



En voiture Simone !


Simone, notre exemple de résilience, elle, est plutôt bien partie dans la vie puisqu’elle dispose de la niche sensorielle nécessaire à dynamiser et sécuriser les enfants : benjamine dune fratrie soudée (1 frère & 2 sœurs), caractère affirmé, attachement maternel fort, cocon aimant, plutôt aisé & intellectuel, père actif (architecte), valeurs humanistes, respect de la laïcité, enfance heureuse à Nice, maison de vacances à La Ciotat, éclaireuse...


Une question de survie ?


Mais tout bascule en 1940 : le gouvernement demande aux familles juives de se déclarer, consigne que suit le père de Simone. Il perd alors le droit d’exercer son métier, & la famille subit les lois anti-juives de Pétain.

En mars 1944, celle qui se fait désormais appeler Simone Jacquier pour passer incognito réside chez sa professeure de lettres, & obtient son bac. Malheureusement, en route pour fêter les examens, elle est arrêtée par la Gestapo que ses faux papiers ne trompent pas.

Seule sa sœur Denise, engagée dans la résistance en 1943, échappe à la rafle. Son père & son frère seront exterminés, tandis qu’elle, sa mère & sa sœur Madeleine (dite Milou) seront déportées à Auschwitz-Birkenau. Simone, alors âgée de 17 ans, subit l’horreur de la déshumanisation : têtes rasées, vêtements en loques, matricules tatoués sur les bras, travaux forcés, violences, promiscuité, fumée noire des fours crématoires, odeur des corps qui brûlent...

Son travail acharné & sa beauté lui valent d’accéder à Bobrek, un camp dépourvu de chambre à gaz, tandis que son courage & sa détermination lui permettent d’y amener sa mère & sa sœur. Malgré le soulagement, elle reste sur ses gardes.

Finalement, toutes 3 seront, comme les autres survivants, transférées au camp de Bergen-Belsen en janvier 1945. C'est la Marche de la Mort : épuisés, sous-alimentés, peu vêtus, les déportés marchent 70 kilomètres dans l'hiver rigoureux, & ceux qui ne peuvent plus suivre sont abattus. Simone, sa sœur & sa mère résistent mais sont atteintes du typhus. Le sort frappe encore 3 mois plus tard : la mère de Simone succombe, quelques jours avant que les alliés ne libèrent le camp. Simone, qui travaillait en cuisine, n’a pas pu lui dire au revoir. C'est un profond déchirement car elle adore sa mère, dont la présence dans le camp l'aidait à survivre.


Retour à la vie normale : entre réussite et chagrin


Rescapées des camps de la mort, les 3 sœurs sont rapatriées à Paris à la Libération, & se retrouvent en mai 1945 (Denise avait été capturée & déportée par les nazis). Au retour, c'est un peu l'indifférence générale, comme si personne ne voulait entendre les souffrances de la déportation... tant les faits semblent irréels.

Simone va poursuivre le cours de sa vie : en septembre 1945, elle reprend ses études (droit & science po), puis rencontre Antoine Veil, qu’elle épouse en 1946. De cette union naîtra 3 fils, Jean, Nicolas (décédé en 2002) & Pierre-François. Heureuse dans sa nouvelle famille/belle famille, il lui est toutefois impossible d’évoquer la barbarie des camps avec eux. C’est donc avec Milou, lors de leur rendez-vous hebdomadaire, qu’elle évoque les souffrances vécues ensemble. Jusqu’en 1950, date à laquelle Antoine obtient un poste… en Allemagne !


Les Veil ne font pas l’amalgame entre nazis & Allemands, c’est ainsi que toute la famille déménage. La sœur de Simone lui manque terriblement mais il lui faudra attendre 2 ans avant que Milou ne leur rende visite avec son mari et son bébé. Ce bonheur sera fugace : au retour, un accident de voiture tue Madeleine et son enfant sur le coup.


Fatalité versus Simone : Simone reprend la main


Quelques mois après la tragédie, la famille Veil retourne en France. En 1956, reçue parmi les 1ères au concours de la magistrature, Simone devient haut fonctionnaire dans l’administration pénitentiaire. Elle fondera ses engagements futurs sur les valeurs transmises par ses parents : la tolérance, le respect des droits de chacun & de toutes les identités. Elle n'oubliera jamais que son père avait interdit à son épouse de travailler, & luttera pour l'émancipation des femmes toute sa vie durant.


Une aide à de meilleures conditions de détention

On lui confie le dossier sur les conditions de détention des femmes algériennes. L’humiliation subie dans les prisons lui rappelle l’indignité des camps de concentration, c’est pourquoi elle prendra très à cœur cette cause et y consacrera 7 ans.


Une évolution professionnelle qui suscite l’admiration


Affectée aux affaires civiles en 1964, elle entre au Cabinet du Ministre de la Justice en 1969 et devient, en 1970, la 1ère femme secrétaire générale du Conseil Supérieur de la Magistrature.

Sa carrière suscite une certaine admiration, d’autant plus qu’à l’époque seulement 40% des françaises travaillent ! Cela interpelle d’ailleurs le magazine Marie-Claire : en janvier 1973, la rédaction publie un article sur les femmes qui ont une fonction importante, environ 20 à l’époque, dont Simone Veil. En guise d’illustration, l’équipe de rédaction place ces femmes dans un gouvernement fictif. Un avant-goût de l'avenir ?


L’icône de la lutte contre la discrimination des femmes

En 1974, la carrière de Simone Veil prend un tournant : Valéry Giscard d’Estaing la nomme Ministre de la Santé. Elle est la 2nde femme à devenir ministre de plein exercice, mais, novice en politique, elle n’est pas vraiment la bienvenue au Conseil des Ministres. Qu’à cela ne tienne, elle sera chargée de la dépénalisation de l’avortement & fait de l’IVG un enjeu de santé publique.

Malgré des réactions très hostiles, notamment des références au régime nazi, l’Assemblée Nationale adopte la loi. En France, en 1974, tandis que l’IVG devient légal, Simone Veil devient l’icône de la lutte contre la discrimination des femmes.

Dans les années 70, elle fera fermer les hôpitaux à trop faible activité, rééquilibrera les comptes de l'Institut Pasteur, implémentera des aides financières pour les mères d'enfants en bas âge, portera une loi d'orientation en faveur des handicapés & fera adopter la loi française de lutte contre le tabagisme. Forte de sa popularité, fin 1970, son destin politique prend une autre dimension.


Un moteur de la construction européenne

En 1979, d’abord député européen, Simone Veil devient Présidente du Parlement Européen. Forte de ses valeurs humanistes, elle accompagne la réconciliation franco-allemande, & combat pour une Europe unie & solidaire.

"On me demande souvent ce qui m’a animée, ce qui m’a donné cette volonté : je crois profondément que c’est elle. Maman n’a jamais cessé d’être présente auprès de moi. Quand j’ai été élue présidente du Parlement européen, l’aspect symbolique - une ancienne déportée présidant cette assemblée - a été très important.", Simone Veil.

En 1980, Simone Veil se mobilise contre le négationnisme ambiant & subit des attaques de plus en plus violentes. Elle avait pensé que la construction de l’Europe, par son caractère unifiant, aurait pu éradiquer ce mouvement, mais Il lui faut expliquer encore & encore la réalité des camps de concentration… c’est comme y vivre à nouveau.

Elle quittera la présidence du Parlement Européen en 1982, y poursuivra son engagement à la tête du service juridique, puis de 1993 à 1995, elle sera Ministre d'État, des Affaires sociales, de la Santé & de la Ville, n°2 du gouvernement Édouard Balladur. Elle siégera au Conseil constitutionnel de 1998 à 2007.

La mémoire de l’indicible

Toute la vie de Simone Veil, tant au niveau professionnel que personnel, est empreinte des marques de la Shoah. Elle n’a de cesse de perpétuer la mémoire de ce drame & de contribuer à ce que de telles tragédies ne se reproduisent plus.

Son rôle politique, on l’a vu, lui permet bien sûr d’être un acteur du changement. Mais elle préside également la Fondation pour la mémoire de la Shoah & est membre du Conseil d’Administration de l’IFRI (Institut Français des Relations Internationales) de 2001 à 2007.

Elle accepte aussi, le 22 décembre 2004, sur la proposition du Directeur de la Rédaction de Paris Match, de retourner à Auschwitz donner une interview, accompagnée de ses 2 fils & ses petits-enfants. Ensemble, ils vont marcher sur ce lieu de toutes les horreurs & partager un morceau de vie de leur mère/grand-mère. Un moment lourd de transmission.

Transmission qu'elle parachève avec la publication, en 2007, de son autobiographie intitulée « Une vie », dont je vous recommande chaudement la lecture. Traduite en plus de 15 langues, l'oeuvre obtient le Prix des Lauriers Verts 2 ans plus tard.


Jusqu’à la fin, les hommages pleuvent

Le 20 novembre 2008, Simone Veil devient une ''Immortelle'' : elle est la 6ème femme de l’histoire à rejoindre l’Académie Française. Comble de joie, elle obtient le fauteuil de Racine, un des auteurs préférés de son père. Elle fait graver sur son épée d’académicienne son numéro de matricule (78651), 2 mains enlacées symbolisant la réconciliation des peuples, le visage de sa mère, les devises de la République française & de l'Union Européenne, respectivement Liberté, Égalité, Fraternité & In varietate concordia (Unis dans la Diversité).

En 2009, elle est décorée de la légion d’honneur. Elle devient aussi membre du jury du prix pour la prévention des conflits, décerné par la Fondation Chirac. En 2010, elle reçoit le prix Heinrich Heine de la ville de Düsseldorf pour l'ensemble de son œuvre & le prix européen des droits civiques des Sintés & des Roms pour son engagement en leur faveur.

Ce n’est qu’en 2013, suite aux décès de son mari & de sa sœur Denise, que Simone Veil se retire de la vie publique. Elle décède 4 ans plus tard, le 30 juin 2017. Elle est inhumée au cimetière du Montparnasse, aux côtés de son époux. Ses fils récitent le Kaddish sur sa tombe, accompagnés notamment par Delphine Horvilleur, femme rabbin libérale, symbole aux yeux de ses enfants du combat de leur mère pour l'émancipation des femmes.

Un hommage national a lieu en son honneur le 5 juillet aux Invalides. Le Président Emmanuel Macron y annonce, en accord avec la famille de Simone Veil, qu’elle & son époux feront leur entrée au Panthéon.

Merci infiniment Simone Veil. Vous avez subi l’Histoire, mais vous avez également agi positivement sur son cours. Vous qui avez su vous relever & grandir de chaque trauma, reposez désormais en Paix.

Laetitia




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