En cette journée internationale des Droits de la Femme, j’aimerais saluer le courage des Ukrainiennes qui sont restées dans leur pays pour défendre leur nation & la liberté, le courage de celles qui ont dû fuir leur pays, le courage de celles qui ont dû se séparer de leurs familles. Je souhaite également faire un focus sur l’auteure russe Ludmila Oulitskaïa, symbole du renouveau de la littérature russe & fervente défenderesse des droits humains, opposée au Kremlin, avant de partager avec vous la déclaration émouvante qu’elle a faite fin février 2022 au sujet de la guerre en Ukraine.
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Ses débuts dans la vie
Ludmila Oulitskaïa est née le 23 février 1943 à Davlekanovo, en Bachkirie, un territoire entre la Volga et l’Oural, où s’est réfugiée sa famille moscovite pendant la guerre.
Pendant les années 60, elle suit des études de biologie à l’Université de Moscou. Elle commence sa carrière en tant que généticienne, puis sera chassée, en 1970, de l’Institut de génétique Nikolaï Vavilov où elle enseigne la biologie. On l'accuse en effet de prêter sa machine à écrire à des auteurs de samizdat (système clandestin de diffusion d'écrits dissidents en URSS & dans les pays du bloc de l'est).
Ses débuts d'auteure
Après la perte de sa chaire à l'institut de génétique, Ludmila Oulitskaïa se consacre à l’écriture, d’abord pour la radio & le théâtre musical juif, puis elle commence à écrire des nouvelles dans les années 80. Aujourd’hui, elle a à son actif plus d’une dizaine de romans, dont les célèbres Sonietchka (1996 - première femme à recevoir le Prix Médicis étranger), Le Chapiteau vert (2014), L’Échelle de Jacob (2018), mais aussi des essais, nouvelles, scénarios & pièces de théâtre.
Une écrivaine reconnue
C’est seulement après le démantèlement de l’Union Soviétique, après la chute du communisme, qu’elle est vraiment reconnue & éditée en Russie, où elle recevra plus tard le prix Booker russe pour Le Cas du docteur Koukotski en 2001 & le prix Bolchaïa Kniga pour Daniel Stein, interprète en 2007.
En France, elle est faite chevalière de l’ordre des Palmes académiques en 2003, chevalière de l’Ordre des Arts & des Lettres en 2004, & officier de la Légion d'honneur en 2014. En 2011, elle reçoit le prix Simone de Beauvoir pour la liberté des femmes (récompense française créée en 2008 & décernée aux personnes qui se sont illustrées, par leur œuvre artistique & leur action, à promouvoir la liberté des femmes dans le monde, à l'image de Simone de Beauvoir). En effet, son œuvre, selon les organisateurs, témoigne d'un sens aigu de la justice & de la démocratie.
Réfugiée en Israël
Ludmila Oulitskaïa, qui a vécu sous Staline, Khrouchtchev, Brejnev, Andropov, Gorbatchev, Eltsine & Poutine, n'a de cesse de se battre pour les droits humains, notamment au côté de l’ONG russe Memorial (dissolue par la Cour suprême russe le 28 décembre 2021). Farouchement opposée à V. Poutine & au Kremlin, elle a quitté Moscou avec son mari début mars 2022 pour se réfugier à Tel-Aviv. Elle travaille sur la transcription des journaux intimes qu'elle tient depuis 1971, pour témoigner de son temps de façon romancée.
Une déclaration touchante
Place maintenant au message déchirant de Ludmila Oulitskaïa, qui critique le pouvoir russe, incite à la paix & dénonce la propagande.
"Aujourd’hui, 24 février 2022, la guerre a éclaté. Je pensais que ma génération, celle qui est née pendant la Seconde Guerre mondiale, avait de la chance, & que nous allions vivre sans avoir connu de guerre jusqu’à notre mort qui serait, comme promis dans les Evangiles, « paisible, sans douleur et sans reproche ». Mais non. On dirait bien que ce ne sera pas le cas. & nul ne sait à quoi vont aboutir les événements de cette journée dramatique.
Le destin du pays est dirigé par la folie d’un seul homme & de ses complices dévoués. On ne peut que faire des suppositions sur ce que les manuels d’histoire en diront dans cinquante ans. De la douleur, de la peur, de la honte – voilà les sentiments que l’on éprouve aujourd’hui.
De la douleur, parce que la guerre s’en prend au vivant, à l’herbe & aux arbres, aux animaux & à leur descendance, aux êtres humains & à leurs enfants.
De la peur, parce qu’il existe chez tous les êtres vivants un instinct de conservation biologique qui les pousse à protéger leur vie & celle de leur descendance.
De la honte, parce que la responsabilité des dirigeants de notre pays dans le développement de cette situation pouvant entraîner d’immenses malheurs pour toute l’humanité est évidente.
Cette responsabilité, nous la partageons tous nous aussi, qui sommes contemporains de ces événements dramatiques et qui n’avons pas su les prévoir ni les arrêter. Il faut absolument stopper cette guerre qui se déchaîne de plus en plus à chaque minute qui passe, & résister à la propagande mensongère dont tous les médias inondent notre population."
Conclusion
Le monde a besoin de paix, de fraternité & d'amour. Tant qu'il y aura des femmes engagées (& des hommes aussi bien sûr), courageuses, animées de valeurs humaines positives, l'espoir de la liberté & de l'égalité pour tous restera intact.
Laetitia
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