Quelle serait votre réaction si, au lieu d'un sédatif ou d'un antidépresseur, votre médecin vous prescrivait une visite au musée ? Cette idée, qui certes peut sembler insolite, est pourtant en train de s'imposer dans le paysage médical & culturel. Venue du Canada, la prescription muséale fait aujourd'hui son chemin en Europe et en Asie, offrant une approche innovante du bien-être & de la santé mentale. Plus qu'une lubie ou une simple tendance, elle repose sur des données scientifiques solides & ouvre la voie à une médecine plus holistique & accessible.
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L'art comme antidote
L'idée d'associer l'art à la thérapeutique n'est pas nouvelle. Depuis des siècles, les créations artistiques sont perçues comme un moyen d'évasion, un refuge contre les tumultes du quotidien. Cependant, la prescription muséale va plus loin : elle officialise cette intuition en la plaçant dans un cadre médical & scientifique.
Tout commence à Montréal en 2018, où des médecins ont commencé à prescrire à leurs patients des visites de musées (le musée des beaux-arts de Montréal - MBAM - est pionnier en la matière) afin de les aider à mieux gérer certaines pathologies, qu'elles soient physiques ou psychiques. Cette initiative a été inspirée par une étude menée entre 2002 et 2014 par un groupe de scientifiques de l’University College de Londres sur 6 000 personnes, qui a révélé un taux de mortalité plus faible chez les individus ayant une fréquentation régulière des musées que chez ceux qui ne les fréquentaient pas.
De fait, l'observation d'œuvres d'art a un impact direct sur notre système nerveux. La contemplation stimule les régions du cerveau associées au plaisir & à la relaxation, réduisant ainsi les niveaux de cortisol, l'hormone du stress. Cette immersion artistique permet une baisse de la pression artérielle & favorise un sentiment de bien-être général.
Une pratique qui se mondialise
En Europe, des villes comme Montpellier, Rennes et Bruxelles commencent à intégrer cette approche dans leur système de soins. Les patients, souvent atteints de troubles anxieux, de dépression ou de pathologies chroniques, peuvent bénéficier de visites gratuites dans des musées partenaires.
A Lille, par exemple, le Palais des Beaux-Arts collabore depuis 2012 avec le Centre Hospitalier Universitaire (CHU) de Lille pour proposer des séances d'art-thérapie aux patients. En 2023, une convention a été signée pour développer davantage la prescription muséale, permettant aux médecins de prescrire des visites au musée comme complément thérapeutique.
Dans les Yvelines, le programme Solymusées permet au Département d’accompagner des musées & centres d’art du territoire autour de deux objectifs majeurs : rendre la culture accessible à tous & faire des établissements culturels des lieux de mieux-être au service de la qualité de vie des habitants.
Mais c'est au Japon que le concept a pris une dimension particulière. Le professeur à l’Université Kyushu Sangyo muséologue Izumi Ogata a popularisé le terme hakubutsukanyoku, qui signifie ''se baigner dans l’atmosphère muséale'', pour désigner cette expérience sensorielle & émotionnelle unique. Dans une expérimentation menée entre 2020 & 2024 sur 1 300 participants, il a observé une réduction significative de l'anxiété, de la fatigue, & une stabilisation de la pression artérielle après des visites muséales, quelles que soient la nature de l’établissement visité & la durée de la visite.
Les résultats de l'expérimentation ont convaincu plusieurs institutions japonaises d'intégrer la plongée dans l'art à leurs protocoles de soins. Cette activité aurait un potentiel important sur l’archipel nippon, où la population est exposée au stress & à l’anxiété quotidiennement, mais fréquente peu les musées.
Des ressources sous-exploitées ?
À l’heure où la santé mentale devient une priorité mondiale, on peut se demander à juste titre si le patrimoine, le sport, la technologie, l’art & la culture ne sont pas des ressources thérapeutiques encore sous-exploitées, & si des pratiques innovantes ne pourraient pas émerger :
Des expériences culinaires thérapeutiques : la gastronomie pourrait être utilisée comme un soin, & les chefs pourraient proposer des menus conçus comme des expériences culinaires adaptées aux besoins émotionnels des patients.
Le sport sur ordonnance émotionnelle : au-delà des recommandations classiques, l'activité physique étant déjà recommandée pour la santé physique & mentale, des parcours sportifs adaptés à l’état psychologique des patients pourraient être développés.
La poésie comme remède : à Londres, la librairie The Poetry Pharmacy propose des prescriptions de poésie en fonction de l'état d'âme du lecteur, une idée qui pourrait être exploitée à plus grande échelle aux bibliothèques & aux thérapies artistiques.
Les bienfaits de la nature : suivant l’exemple de la campagne de sensibilisation du WWF, pourquoi ne pas généraliser des "ordonnances de nature", où le contact avec les espaces verts serait intégré aux soins, un peu à la façon du shinrin yoku ?
Une appli judicieuse : une application pourrait recommander le musée ou l'expérience culturelle la plus adaptée à l’état émotionnel de l’utilisateur, avec des visites spécialement pensées pour les publics les plus vulnérables, comme les ados qui ne se sentent pas bien par exemple. C’est un projet sur lequel travaille déjà Izumi Ogata.
Pourquoi la prescription muséale fonctionne si bien ?
La prescription muséale repose sur plusieurs mécanismes psychologiques & physiologiques :
L'évasion cognitive : se plonger dans une exposition permet de déconnecter des soucis du quotidien & de reposer l'esprit.
La stimulation des émotions : face à une œuvre, nous ressentons des émotions variées qui nous reconnectent à nous-mêmes & à nos sensations profondes.
L'effet communautaire : visiter un musée seul(e) ou accompagné(e) favorise le lien social & permet de partager un moment riche en émotions.
Conclusion
En repensant la médecine sous un prisme plus sensible & holistique, la prescription muséale dessine une nouvelle approche du soin, où l’art, la culture, la nature, etc... ne seraient plus considérés comme de simples loisirs, mais comme des solutions complémentaires aux traitements traditionnels & des piliers essentiels du bien-être. Certains médecins et psychologues y voient déjà une alternative prometteuse aux médicaments, moins invasive & sans effets secondaires.
La question
Avez-vous déjà ressenti les bienfaits d’une immersion artistique sur votre bien-être & pensez-vous que l’art et la culture devraient être davantage intégrés aux parcours de soins ?
Laetitia
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